Jugements sans motivation : l’affaire Ranarison Tsilavo, un outil de spoliation systémique à Madagascar

Jugement sans motivation à Madagascar contrairement à l'article 94 du code de procédure pénale malgacheJugements sans motivation : l'affaire Ranarison Tsilavo, un outil de spoliation systémique à Madagascar

À Madagascar, les décisions judiciaires sans motivation sont devenues une pratique alarmante, soulevant des interrogations sur l’équité du système judiciaire du pays. L’affaire opposant Ranarison Tsilavo à Solo, qui a abouti à un jugement du Tribunal correctionnel d’Antananarivo le 15 décembre 2015, illustre parfaitement cette tendance troublante. Solo, gérant de CONNECTIC et détenteur de 80 % des parts, a été condamné à deux ans de prison avec sursis et à verser 428.492 euros (1,5 milliard d’ariary) à Ranarison Tsilavo, un actionnaire minoritaire possédant 20 % des parts.

1. Les jugements comme outil systémique de spoliation

Dans le système judiciaire malgache, les jugements sans motivation ne sont pas des incidents isolés mais semblent constituer un problème systémique facilitant la spoliation. Dans cette affaire, le jugement se limite à déclarer :

« Il résulte de preuve suffisante contre le prévenu Solo d’avoir commis le délit d’abus de confiance à lui reprocher. »

Cette absence de raisonnement détaillé crée un environnement opaque qui affaiblit la crédibilité judiciaire et ouvre la voie à des décisions arbitraires.

  • Aucune analyse des preuves : Le jugement n’explique pas comment les preuves ont conduit à la conclusion de culpabilité.
  • Obstacle à l’appel : Sans explication détaillée, préparer une défense en appel devient presque impossible.
  • Facilitation de la spoliation : Cette opacité judiciaire ouvre la porte à l’instrumentalisation du système pour des gains financiers.

2. Une allocation contestée des dommages-intérêts

La décision d’attribuer 1,5 milliard d’ariary à Ranarison Tsilavo, un actionnaire minoritaire, contredit les principes juridiques malgaches. Selon l’article 6 du Code de procédure pénale malgache, les dommages-intérêts doivent être attribués à la victime directe, en l’occurrence CONNECTIC, la société.

Action civile dans le jugement : un abus manifeste

Le tribunal a décidé d’attribuer les intérêts civils directement à Ranarison Tsilavo, en ignorant que :

  1. La société CONNECTIC est la victime directe : L’article 6 du Code de procédure pénale stipule que seule la victime directe, ici la société, peut recevoir les dommages-intérêts.
  2. Ranarison Tsilavo n’a pas démontré de préjudice distinct : Aucun élément ne justifie que Ranarison, simple actionnaire, ait subi un dommage personnel distinct de celui de CONNECTIC.
  3. Violation des principes de gestion des sociétés : Selon la loi sur les sociétés commerciales à Madagascar, les réparations financières pour des délits concernant les biens sociaux reviennent à l’entreprise.

Cette décision reflète une méconnaissance ou un choix volontaire d’ignorer les lois applicables.

3. Ignorance des preuves : une justice sélective

Malgré la présentation de preuves solides par Solo, celles-ci ont été ignorées par le tribunal :

  • Signatures sur les virements : Ranarison Tsilavo a signé les 76 virements internationaux en question, totalisant 3.663.933.565,79 ariary (€1.047.060).
  • Factures établies par Ranarison Tsilavo : Il a lui-même émis les factures accompagnant ces virements.
  • Comptes validés : CONNECTIC a vu ses comptes, incluant ces transactions, validés par le commissaire aux comptes, Razananirina Bruno.

Action publique dans le jugement : des accusations mal définies d’abus de biens sociaux

L’action publique repose sur des allégations d’abus de biens sociaux visant Solo, mais sans fournir de base solide pour ces accusations :

  1. Accusation principale :
    • Le tribunal reproche à Solo d’avoir ordonné des virements internationaux au profit de la société EMERGENT NETWORK SYSTEMS, soi-disant sans contrepartie pour CONNECTIC.
    • Ces virements, totalisant 3.663.933.565,79 ariary, sont pourtant accompagnés de factures émises et validées par Ranarison Tsilavo lui-même.
  2. Manque de preuves concrètes :
    • Aucun élément matériel ne démontre que les virements étaient fictifs ou frauduleux.
    • Les audits comptables, validés par le commissaire aux comptes, confirment la conformité des transactions.
  3. Flou juridique :
    • Les juges n’ont pas établi clairement les critères de l’abus de biens sociaux ni précisé comment Solo aurait intentionnellement agi contre l’intérêt de CONNECTIC.

4. Conséquences pour les investisseurs et l’économie malgache

Ce jugement envoie un signal alarmant à la diaspora malgache et aux investisseurs étrangers :

  • Imprévisibilité judiciaire : Les décisions arbitraires créent un climat d’incertitude et de risques.
  • Découragement économique : Ces pratiques nuisent à l’attractivité économique de Madagascar.
  • Érosion de la confiance institutionnelle : La répétition de jugements non motivés affaiblit la confiance dans le système judiciaire.

5. Arguments ignorés dans la défense de Solo

Solo a présenté plusieurs points clés dans sa défense :

  • Absence de préjudice personnel pour Ranarison Tsilavo : Aucun dommage personnel distinct n’a été établi.
  • Respect des procédures internes : Toutes les transactions ont été effectuées avec approbation.
  • Manipulation d’un pré-rapport : Les accusations reposent sur un pré-rapport d’audit corrigé dans sa version finale.

Conclusion : Un appel à la transparence judiciaire à Madagascar

L’affaire Ranarison Tsilavo contre Solo met en évidence un système judiciaire qui semble préférer les gains financiers à la recherche de la justice. Pour que Madagascar retrouve sa crédibilité, des réformes profondes sont nécessaires pour garantir des décisions équitables, transparentes et conformes au droit.

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